La fouille de l’îlot de la Maison des comédiens par une équipe de membres de l’Efamenée par Chr. Le Roy (1961) et Ph. Bruneau (1961-1965), innove à Délos en appliquant la méthode Wheeler, avec l’installation d’un carroyage incluant des bermes servant au passage et zone témoin pour la vérification stratigraphique. Cette méthode, instaurée quelques années auparavant à Argos, allait rapidement s’étendre aux autres chantiers de l’EFA. On observe parallèlement un souci accru des informations consignées dans les carnets de fouilles : notes, descriptions précises, croquis cotés par carré successif, hypothèses de restitutions illustrées, etc. À ces précisions s’ajoutent les données inscrites dans les carnets d’inventaire renvoyant au contexte de découverte des mobiliers dans la couche décrite et le carré, ainsi que les plans et photographies du terrain systématiquement déposés aux archives de l’EFA. Chacun des responsables de zones ou dossiers de la fouille étant rédacteur, le croisement des données de leurs descriptions des travaux s’avère très riche d’informations. S’ensuivit une publication rapide et remarquable dès 1970, avec le gros volume EAD 27 qui présente la particularité pionnière à Délos de rassembler l’histoire de la fouille, l’étude architecturale de l’îlot et les catalogues des mobiliers déclinés par chapitres selon leur nature, souvent par matériau. Il y a quelques années, nous avons décidé d’effectuer un bilan sur les progrès de l’archéologie en un demi-siècle et notre choix s’est porté sur les Comédiens qui offrait un exemple abouti des rares entreprises menées à leur terme dans les années 1960.Grâce aux financements de la Fondation Leon Lévy and Shelby White et de l’EFA quia inscrit ce programme dans son quinquennal 2022-2026 et avec le soutien d’AlexandreFarnoux puis de Véronique Chankowski, directeurs successifs de l’EFA, nous avonscommencé nos investigations par la réalisation d’un plan à partir de relevésphotogrammétriques qui permettent le recensement et l’analyse des faits archéologiques (murs numérotés, seuils et sols, conduites hydrauliques et escaliers, etc.), séparément de façon modulaire indépendante ou conjuguée, tout en s’intégrant au Système d’Information Géographique mis en place à Délos (SIG-Délos). Combinée aux indications fournies par la publication, l’exploitation des données des carnets de fouilles récemment découverts nous a permis de recontextualiser les mobiliers via le logiciel QGis dans les pièces de l’îlot, nouspermettant de proposer une analyse fonctionnelle des espaces. Un exemple de résultat de cette démarche est exposé pour certains espaces culinaires dans une récente étude de S. Élaigne. Le recours aux analyses archéométriques de recherche d’origine, réalisées au moyen d’un portable XRF, a permis d’affiner certaines provenances du mobilier céramique. De plus, les progrès sur la chronologie des groupes tardifs du timbrage montrent que des marques amphoriques – remarquablement publiées en 1970 – doivent désormais être assignées au milieu du Ier siècle avant J.-C., voire plus tard encore, montrant que les deux îlots connaissent non une brève occupation suivi d’un abandon, comme l’écrivait Ph. Bruneau, mais une présence plus longue et plus complexe, avec occupation, abandon, réoccupation avant un abandon définitif, ajoutant plusieurs décennies de vie supplémentaire dans le cours du Ier siècle avant J.-C. Une étude du bâti (examen des matériaux de construction, du mode de liaisonnement des murs, des modifications de circulation et des aménagements) de l’îlot aégalement mis en évidence différentes phases d’occupation de l’îlot.Des investigations particulières visent à contextualiser tous les artefacts soigneusementrecueillis par l’équipe de fouille. En se fondant sur les archives qui apportent des données précises sur leur localisation et grâce à leur réexamen, axé sur leur (ré)identification fonctionnelle et sur la recherche de parallèles, nous sommes à même de proposer une analyse fonctionnelle des espaces dont sont issus les objets.La publication consacrait à juste titre de longs développements à la frise peinte desacteurs de théâtre qui a donné son nom à la maison et à l’îlot. Cette partie, fort bien étudiée, a donné lieu à une littérature si abondante que nous ne la reprendrons pas du point de vue iconographique. Nous nous consacrons à une étude stylistique et technique des décors, tant aux sols qu’aux murs, tant en lien avec les données de fouilles et la fonction des pièces qu’à partir de nouvelles observations des éléments sur le terrain et dans les réserves du musée. La reconstitution des mosaïques, des décors pariétaux stuqués et peints apporte des hypothèses de restitutions remarquables. L’intégration des sols et parois des pièces à leurs volumes afférents livrera une image plus immédiatement compréhensible par le recours à un modèle 3D approchant la réalité virtuelle des maisons de l’îlot avant leur destruction. Une fois assuré le renouvellement de ce socle archéologique, nous essaierons d’aller plus loin, en déterminant le caractère de ces maisons, de voir comment elles traduisent un confort particulier propre à Délos (matériaux, taille des pièces, etc.) ou si elles s’intègrent dans le courant de la Méditerranée orientale hellénistique ; nous essaierons de voir comment les occupants ont adapté le cadre architectural (ajout de pièces, d’installations de confort et d’hygiène), transformant parfois la destination des pièces et leur décor mobilier, ces adaptations des espaces aux goûts et usages suggérant des indications sur l’origine de ces riches habitants de Délos avant le saccage final.

We aim to assess the progress made by archaeology in the space of half a century, taking as an example the excavation of the ‘îlot des Comédiens’ in Delos, published in exemplary fashion, architecture and artefacts, by Ph. Bruneau and his team in an Exploration Archéologique de Délos volume in 1970. We look at how the techniques currently used in archaeology are making it possible to make progress in the study of artefects (provenance and chronology) and in its spatialisation, in order to determine the use of the rooms in the block and to reconstruct its décor, using 2D and even 3D tools, to evoke, as far as possible, the volumetry of the block as a whole.