Contexte et objectif : L’intégration de la Médecine Traditionnelle (MT) dans le système sanitaire officiel en RD Congo est le souhait exprimé du Ministère de la Santé depuis plus de deux décennies. Cette étude s’est investie dans la détermination des conditions de réussite de cette intégration et la proposition d’un modèle applicable. Méthodes : Une série d’enquêtes menées à Lubumbashi auprès de la population et des praticiens des médecines traditionnelle et conventionnelle a été complétée par une revue des textes législatifs et règlementaires, ainsi que par les analyses microscopiques et phytochimiques d’échantillons des 3 espèces de plantes médicinales les plus vendues à Lubumbashi. Résultats principaux : Ces travaux ont révélé, parmi les personnes interviewées à Lubumbashi, des fréquences de recours à la MT d’environ 80 % dans la population générale et de plus de 50 % parmi les praticiens de la médecine conventionnelle (MC). Plus de 80 % de tradipraticiens (TP) souhaitent collaborer avec les praticiens de la MC et environ 60 % des praticiens de celle-ci souhaitent la collaboration avec les TP. Également, 30,5 % des praticiens de MC souhaitent l’intégration des TP dans les structures de MC, alors que 77,6 % des TP souhaitent travailler dans lesdites structures ; de plus, certains praticiens de ces deux médecines ont mentionné avoir déjà expérimenté une telle collaboration. Sur le marché de Lubumbashi, les plantes médicinales sont vendues à des prix généralement faibles. L’authentification de 92 échantillons des 3 espèces les plus vendues [Terminalia mollis M.A.Lawson., Securidaca longepedunculata Fresen., Nauclea pobeguinii (Hua ex Pobég.) Merr.] a montré que la plupart étaient authentiques, des cas de substitution et de contamination ayant cependant été décelés dans 18,5 % des drogues analysées. La revue des textes législatifs et règlementaires a montré que l’exercice de la MT est reconnu en RD Congo. Des arrêtés ministériels organisant l’exercice de la MT et créant un programme chargé de promouvoir et intégrer cette médecine dans le système sanitaire officiel existent, en plus de projets de lois (non encore promulguées) pour la règlementation et l’intégration de ce secteur au système sanitaire. Ces résultats ont permis d’identifier les obstacles majeurs à l’intégration de la MT et les facteurs la favorisant. Cette étude a identifié les conditions qui pourraient contribuer à la réussite de l’intégration de la MT dans le système sanitaire officiel. Au niveau politique, les conditions majeurs sont notamment : (i) l’application et le suivi des textes règlementaires déjà promulgués, ainsi que l'amélioration et la promulgation des textes en attente ; (ii) l’organisation d’une administration appropriée à une régulation effective de la MT ; et (iii) l’organisation de services sanitaires intégrant la MT. Au niveau scientifique, les conditions identifiées comprennent essentiellement (i) l’authentification des espèces végétales et le repérage des plantes dangereuses ; (ii) l’élaboration de monographies des produits de la MT et (iii) les études cliniques de produits phares de la MT. Au niveau communautaire, il faudra (i) l’implication des associations de TP à la vulgarisation de la réglementation ; et (ii) la sensibilisation des praticiens des 2 médecines à la collaboration. A côté de ces conditions, le modèle proposé pour l’intégration de la MT dans le système sanitaire préconise la création de trois catégories de structures sanitaires dont (i) celles offrant les soins de MT et MC ; (ii) celles offrant exclusivement les soins de la MT et (iii) celles basées exclusivement sur les soins de la médecine conventionnelle. Conclusion : Cette étude a permis de comprendre de nombreux aspects en rapport avec la perception, l’utilisation, l’exercice, l’organisation de la MT dans la ville de Lubumbashi et sa réglementation en RD Congo. Elle constitue aussi une contribution à la promotion de cette dernière. Le modèle proposé qui définit les conditions minimales pour l’intégration de la MT dans le système sanitaire officiel peut être considéré comme éléments de plaidoyer en faveur de l’intégration officielle de cette médecine.