conférence dans le cadre du séminaire des "Représentations de l'origine du Moyen Age à la Révolution française", dir. B. Guion, université de Strasbourg; Séminaire « Représentations des origines, du Moyen Age à la Révolution », CELAR, dir. Béatrice Guion, Strasbourg 2014 Désordres dans la lignée : le motif du prince monstrueux au XVIII e siècle, entre science, merveille et politique. 1 Devant la multiplication des caricatures animales pendant la période révolutionnaire, l'historienne Annie Duprat s'interroge : « pourquoi, parmi tous les animaux, le cochon est-il privilégié dans l'iconographie caricaturale du roi ? 2 ». AngelikaSchober, historienne de l'art, analysant les caricatures attribuées à Villeneuve et réalisées en 1791, répond en partie à cette question en expliquant que le choix du porc est celui d'un animal domestique, gros mangeur, promis à son tour à une dévoration rituelle et collective 3. Mais les raisons du choix expliquent la puissance de l'image animale elle-même, non l'imaginaire monstrueux dont elle participe. En effet au caractère ignoble du porc, la caricature révolutionnaire ajoute la monstruosité, c'est-à-dire l'hybridité, la corruption des parties, le soupçon sur le genre. Cet imaginaire du monstreconvoque l'idée d'une corruption de la race associée à cellede la décadence du régime monarchique. Si le monstre mythologique informe les représentations révolutionnaires de la tyrannie 4 c'est au monstre physique que se rapportent, dans les caricatures visant le couple royal,l'hybridité animale, l'effémination progressive du roi et la monstrueuse fécondité de la reine. Ces traits réactivent ce qui se jouait sur le mode du plaisir dans le conte de fées de la fin du XVII e siècle : le couple royal peut « faire un monstre » c'est-à-dire transmettre, contre les lois du royaume,son pouvoir à un être « indigne ». Or cette indignité, ce manquement aux lois – lois de la nature physique cette fois – estaussi au coeur du débat scientifique qui a agité l'Académie des sciences dans les années 1730.